Je vous partage mon aventure sur cette première édition. « Degemer mat e Penn-ar-Bed”
Est-ce que j’y arrive encore ?
Il fallait bien que je commence par me plaindre 😉
Je pars sur une saison 2023 avec une charge mentale professionnelle qui me pollue la tête depuis un bon moment. J’assiste, bien à ma place à une réorganisation des services, l’arrivée de nouveaux managers, l’intégration à un groupe. Je récupère en plein vol un projet stratégique d’un collègue qui part en retraite et qu’il n’a pas réussi à concrétiser. Je dois encaisser en plus de charge de travail, celle qui stratégiquement est encore plus impérative, plus risquée et avec de plus gros enjeux financiers. A plusieurs reprises, j’embarque mon matériel de travail pendant mes congés et week-end afin d’assurer. Je suis dans l’obligation de participer à des réunions les veilles des épreuves. Les tensions finissent par m’atteindre et auront le mérite de casser mes motivations. J’arrive dans un état de grosse fatigue physique et mentale, je n’arrive plus à sortir la tête de l’eau. Il me sera alors difficile d’accepter de ne pas y arriver. Je vois et décrypte les symptômes du « Burn out » mais pas question d’y sombrer. Heureusement, je communique sur mon mal être et quelques collègues viennent à ma rescousse. Ils m’apportent chacun leurs manières de l’aide et du soutien. Je reste tout de même en frontal avec les tensions, je ne lâche pas. Ma préparation est déplorable, ma forme physique en pleine décroissance. Je me blesse à plusieurs reprises. Mes 45 piges dans le collimateur approchent, je deviens irritable, je ne supporte plus rien. Je sombre et, pour la première fois, je pense ne plus y arriver.
Pourtant, au fond de moi, je veux y croire, je veux prouver que je suis encore là, alors pas question de tout laisser tomber.
Je prends rendez-vous avec mon médecin pour faire part uniquement de mes problèmes physiques. Mon médecin sait que les médicaments sont les outils de dernier recours. Me voilà avec des ordonnances pour de la Kiné et la podologie. Je suis conseillé par Sandra avec deux bonnes adresses. J’arrive à caler rapidement les rendez-vous. Il est temps de me refaire la cerise avant le grand chelem. Ça sera pendant mes congés que je réaliserais une reconstruction du dos et des mollets. Je n’aurais pas les kilomètres ni les temps qu’une bonne préparation impose. Mais le jour ‘J’, je n’ai plus aucunes douleurs, j’y crois et je profiterais de mon expérience pour faire face aux difficultés.
GO BIG OR GO HOME !
Unique objectif « Finir ! »
Habituellement je réalise mon prévisionnel à partir d’une segmentation du parcours par rapport aux changements de dénivelé. Faute de temps, j’utilise les outils modernes qui me sont proposés.
J’utilise l’outil de stratégie « PacePro » de Garmin. Je vise les 28 heures de course avec un split « positif » et un effort en monté « Plus difficile ».
Le prévisionnel qui m’est proposé semble convenir.
15 septembre 2023 – Telgruc sur Mer : 17h00 – Km 0
Le décompte habituel nous laisse partir sous une chaleur écrasante. Il n’y a pas la moindre brise rafraîchissante que nous aurions pu espérer sur le sentier côtier.
Le peloton s’étire doucement sur le GR34. Sa particularité est qu’il permet de courir en permanence. Comme je l’ai déjà dit, le dénivelé des trails bretons ressemble au profil d’une tôle ondulée. Cela permet d’avancer plus vite mais les enchaînements successifs de montées et de descentes ne permettent pas d’alterner dans les temps, la marche et la course à pied. Un rythme qui permet de soulager des impacts en marchant sur les longues ascensions. Je m’autorise à maintenir la course à pied le plus longtemps possible et passer en marche à pied seulement à l’approche du Menez Hom.
Je me donne le challenge de passer le « sommet » avant la tombée de la nuit. Malgré une température qui ne fait pas de répit, j’arrive tout de même à courir. Ma montre m’indique chaque changement de direction et m’alerte toutes les 10 minutes pour l’hydratation. Je n’y prête pas beaucoup d’attention mais cette sonnerie inquiète les autres coureurs qui, portés par l’effet de groupe commettent quelques erreurs d’orientation. A plusieurs reprises, j’interpelle les coureurs de devant qui ratent les changements de direction.
Chapelle Saint Marie du Ménez-Hom : 19h38 Km 24
J’arrive au premier point d’eau à 19h38. Aurélie est sur place. Elle me demande si tout va bien tout en m’aidant à refaire les niveaux de flasques. Je décide de boire une petite canette de coca salvatrice en sucre. Pas de chance ça sera du coca chaud. Je n’ai que 24 Km au compteur mais j’ai déjà une heure d’avance sur le prévisionnel de course.
Il ménage mon allure tout en visant un passage par le Menez Hom avant la nuit. Je réussi ce premier objectif et passe au point culminant des 330 m à 20h17. Le ciel est de couleur de feu. Je peux voir au loin une partie de Crozon et l’étendue de l’aventure. La presqu’île n’est pas un petit morceau, il va falloir être solide.
Le temps et les kilomètres s’enchaînent et j’arrive sans trop de difficultés au premier ravitaillement d’Argol.
Argol : 21h27 – KM 38
Premier ravitaillement en solide avec une assistance autorisée.
Aurélie est présente et m’attend depuis un bon moment. Elle a apporté une chaise de camping, je n’ai plus qu’à me poser et refaire le plein. Un petit sandwich Daunat, un bol de soupe chaude et des chips salées. Je me cale bien afin de tenir à minima les 4 prochaines heures. A ce moment, je n’ai aucune douleur, mes mollets ne me font pas de misère, les genoux plient encore, tous les feux sont au vert.
La nuit est bien tombée, l’orage au loin, gronde. Les éclairs illuminent le ciel juste au-dessus du Menez-Hom. Pas question de rester l’attendre, me voilà à nouveau sur la trace.
Je suis rattrapé par un petit groupe de coureurs dont le rythme me convient, je les suis au loin. L’orage nous rattrape et la météo s’annonce de plus en plus incertaine. Aux premières gouttes d’eau, j’enfile ma veste de pluie. A peine équiper, que des trombes d’eau s’abattent. La visibilité est alors réduite à moins de 5 mètres. Nous formons un petit groupe solidaire sous cet orage. Au 46-ème kilomètre, nous passons sous le pont Terenez, nous récupérons quelques autres coureurs. Je suis trempé mais les pieds sont encore au sec. La foudre semble tonner à plusieurs reprises juste à côté de nous.
Landevennec : 23h45 KM 54
Ravitaillement en eau.
Aurélie est présente et me propose de l’eau pétillante. Je lui supplie un coca qu’elle part aussitôt me chercher. Cet apport de sucre va me permettre de recharger et de tenir les 20 prochains kilomètres. Je ne connais absolument pas le chemin, ni l’endroit. Je sais que ça va être tout droit avec un beau détour autour de la base militaire de Lanvéoc. Je m’enferme dans ma bulle et arrive à maintenir la course à pied. Le terrain semble déjà bien humide et la pluie n’arrange pas les choses. Je slalome à plusieurs reprises et contourne des flaques de boue. Malheureusement l’étanchéité des chaussures ont leurs limites, je me retrouve vite à courir les pieds mouillés. Je sais déjà que cette section va entamer mes pieds. Les dessous commencent à souffrir mais j’ai l’espoir de pouvoir changer mes chaussettes au prochain ravitaillement. Le temps commence à s’étirer et les kilomètres paraissent de plus en plus long. Vers les 1 heure du matin, je passe les 66 kms. « Plus que 100 kms ! » Je commence déjà à avoir faim et anticipe ce que je vais prendre. La pluie s’arrête, mon short est trempé, je décide de rester au chaud sous ma veste. J’arrive sur la route bitumée de Lanvéoc, il me reste plus qu’à filer tout droit en direction des halles.
Lanvéoc : 2h45 – KM 74
2EME RAVITAILLEMENT SOLIDE
Aurélie me fait signe et me dirige à côté d’un barbecue. Je n’ai plus qu’à m’asseoir et à manger. Je décide de passer en t-shirt manches longues. La nuit n’est pas encore fraîche mais je sais que la pluie a déjà entamé mes réserves. Pas question de risquer le coup de froid qui viendrait insidieusement consommer encore de mon énergie. Je sors mes chaussettes mais malheureusement, elles sont trempées, la partie étanche de mon sac n’a pas suffi. Il me reste une dernière paire de secours. Je découvre au moment où je retire mes chaussettes que mes deux pieds souffrent de fissures sous les métatarses. Je dois trouver de quoi les sécher avant de renfiler une nouvelle paire de chaussettes. Aurélie me tend une tasse de nouilles bien chaudes histoire de me réchauffer et faire le plein d’aliment. Je lève un peu la tête et vois Greg et Anthony qui sont également présents. Je fais signe à Greg de venir, histoire de discuter un peu. Tout semble aller au mieux pour Anthony, il a même pris le temps d’aller se faire masser les jambes. Nous discutons un peu tout en continuant à manger. Je reste attentif au chrono et il est temps de repartir. Au passage des chaussettes, je sens que les deux fissures n’ont pas disparu et risquent de m’handicaper plus tard. Je me suis couvert d’un coupe-vent qui s’avère être déjà de trop, je suis juste à côté de la voiture, pas la peine de la garder avec moi. Prochaine destination dans 20 Kms, la pointe des Espagnoles. Je pars avec la compagnie de quelques traileurs mais très vite je me retrouve seul. Le sentier ne présente pas de difficultés, le guidage GPS fait le boulot et indique chaque changement de direction. La trace m’emmène sur une plage recouverte de gros galets, de roches d’ardoises bien tranchantes et d’algues bien glissantes. Impossible de courir, les appuis chaotiques sont douloureux. La distance à parcourir n’est pas très longue mais suffisante pour s’en rappeler. Je rejoins enfin le bitume croyant pouvoir relancer à nouveau la course. Mon élan est vite arrêté et nous revoilà sur le sable permettant de tourner autour de Kervéden. Je regarde les kilomètres défiler quand enfin je passe la moitié du kilométrage. Le 83eme kilomètre est franchi. Ce passage est ce que j’appelle la bascule, le décomptage peut enfin commencer. La motivation reprend le dessus et occulte les difficultés. Le peloton s’est bien étiré et je me retrouve de plus en plus souvent seul. J’arrive enfin au point d’eau de Roscanvel où m’attend Aurélie. Je refais le plein en eau pétillante et dans ma tête, plus que 4 kms avant la pointe. Je lui confie un peu le poids de cette partie en solitaire. Je n’ai pas besoin de grand-chose, je ne reste pas longtemps. Quand j’y repense, je me dis que ce n’est tout de même pas très gratifiant de faire l’assistance. Tu dois être à tous les points de ravitaillement avant l’arrivée du coureur. Sur certaines courses, cela nécessite parfois de faire des kilomètres et des heures de voiture. Trouver le point de rencontre, trouver un bout de place de quoi garer la voiture, penser à prendre toutes les affaires voir le petit truc demandé au dernier ravitaillement avec la seule satisfaction de me voir 3 minutes et de disparaître à nouveau. Je vous le dis c’est trop sympa l’assistance !!
Bon revenons à notre histoire, à peine repartis que la lampe frontale signale que la batterie est vide. Le truc c’est que j’aurais dû anticiper ce changement afin d’éviter à devoir le faire dans le noir. Je perds un peu de temps et un autre traileur me rejoint. Nous échangeons un peu mais son rythme est au-dessus du mien. Je n’essaie même pas de le suivre. Je remarque que ma montre ne me signale plus les changements de direction. J’avais eu un message d’avertissement au moment de l’intégration de la trace. Le message disait un truc comme quoi les 300 derniers points ne pourraient être réalisés. J’étais loin d’imaginer qu’il s’agissait que de la moitié du tracé. Mince, il va falloir regarder en permanence la trace. Au loin, je vois le traileur qui était devant moi faire marche arrière. Il s’est trompé également dans le suivi. Je repasse devant mais je commets à plusieurs passages des erreurs, il repasse devant moi et suit une trace qui ne correspond pas à ce j’ai. Après quelques péripéties, je décide de le suivre et nous arrivons finalement bien à la pointe des Espagnoles.
Tour de la pointe des Espagnoles : 5h20 – KM 94
Nous devons descendre en slalome afin de rejoindre le GR. Au loin, je pense voir les lumières du port de Camaret. La distance paraît tenable. J’arrive à progresser malgré les quelques hésitations sur l’orientation. Je me fais doubler par les coureurs qui sont en relais. Je commence à avoir des difficultés à courir dès la moindre bosse, il s’agit d’un nouveau passage à vide. Tel un automate j’avance mais n’éprouve plus de plaisir. J’essaie de penser que la partie la plus belle de la course commence à partir de Camaret, il faut que j’avance coûte que coûte. Le jour commence à se lever, je peux enfin me débarrasser de la frontale. J’arrive enfin sur le quai qui longe le petit port. Je pensais trouver le ravitaillement à l’entrée de la route qui mène à la tour Vaudan mais rien dans les parages. Je suis la trace en espérant arriver. Mais toujours pas de ravitaillement en vue. La trace m’indique un passage qui me paraît infranchissable. Je ne suis pas aidée par les indications du GR qui indique une autre direction. J’appelle Aurélie afin qu’elle puisse m’aider à distance. D’après ce qu’elle voit elle me dit que je suis sur la bonne route alors que je ne suis pas sur la trace. La fatigue m’empêche de garder patience, je râle. Après quelques instants, je suis rejoint par un autre traileur qui confirme qu’il s’agit bien du passage entre les ronces. Nous sommes bien sur la trace, mais le chemin n’est plus entretenu. Passage par le chemin côtier puisque je bifurque en direction de la ville et rejoint le gymnase. Ouf, je suis dans le dur et pieds me font souffrir. Je ne pense qu’à une seule chose, changer de pneus.
Camaret sur Mer : 9h05 – KM 108
Aurélie est présente et m’indique la table où je peux m’installer. Anthony, Greg et Laura sont déjà présents. Je me pose et libère mes pieds. Laura m’indique qu’il est possible de demander une bassine et de se nettoyer les pieds. Ils sont vraiment dans un sale état, et il vaut mieux que je les nettoie plutôt que de ne rien faire. Quand je les plonge dans l’eau chaude, les ampoules et les fissures me brûlent mais très vite je sens un soulagement. Côté ongle, pas de dégât pour le moment. C’est aussi le moment de refaire le plein mais j’ai du mal à trouver de l’appétit. Je passe plus de temps à discuter avec la team qu’à me sustenter. Aurélie m’aide à refaire le plein du sac à dos. Seule une boisson chaude me ferait plaisir, ce sera un thé que je prendrais à Anthony. Je réactive la liaison entre la montre et le téléphone et charge la trace de la 2 -ème section du relais en binôme. Je vais retrouver le guidage même si je connais le chemin. Enfin dernière mise au point, je change de chaussures et passe sur des Ultra Glide de chez Salomon. Elles n’ont pas le même amorti que les Mafate mais elles ont le mérite d’être sèches et de soulager mes mollets avec un drop arrière plus élevé. Mes pieds sont déjà dans un sale état malgré les quelques soins. Je repars avec la paire de chaussettes qui ont pris l’eau dans mon sac. On sert les dents et on pense à autre chose.
Me voilà dehors, je suis rejoint par Anthony qui sort également. C’est le 2eme ravitaillement où nous nous retrouvons. L’idée de partir ensemble n’avait pas été abordée, mais Anthony me propose de faire la suite ensemble. Nous voilà en route sur la plus belle partie du sentier.
Je connais tout le parcours qui nous reste pour l’avoir couru en plusieurs sessions. Premier spot, la pointe de Pen Hir par le GR. Il n’y a pas de difficulté mais quelques passages sur la roche me rappellent à l’ordre. Il va falloir être vigilant sur les appuis, afin de limiter les douleurs. J’ai beau faire attention, je n’échapperai pas au tapage des pointes de pieds dans les pierres. Je sens bien la douleur, elle vient s’ajouter aux autres mais elle fait partie du lot de ce que je peux encore supporter. C’était prévu, c’est encore acceptable et cela ne m’empêche toujours pas d’avancer. Nous arrivons à relayer chacun notre tour la course, nous discutons pas mal ce qui permet d’échapper à la réalité. La météo est parfaite, pas de soleil, pas de vent glacial, quelques bruines par moment. Nous prenons de la hauteur entre chaque plage ce qui permet de profiter du décor. Cette partie est vraiment extraordinaire. Nous redescendons au niveau de la mer et passons à côté de chez la crêperie « Chez Germaine ». « Hé !!! Une crêpe au chocolat ça serait vraiment top et en plus je crois que c’est ouvert ! » Nous continuons et prenons de la hauteur avant de rejoindre la plage de Veryac’h. Passage par la Pointe de Tavelle et « tout schuss » en direction de Kerloc’h. Nous passons la première partie par la plage avant de remonter vers la partie rocheuse en direction de la pointe de Dinan. Nous rencontrons la team d’assistance d’Anthony. Je reste un peu en pensant qu’Aurélie va nous rejoindre mais ne voyant rien venir, je décide de monter voir si elle est présente. Elle m’attendait bien au bon endroit c’est à dire sur le parking du camping plage De Goulien. Je refais le plein en eau et décide de boire une canette de Mana Organic histoire de me donner un coup de fouet. J’ai découvert cette boisson dans la salle de Crossfit An Oriant à Lorient. Quand je rejoins Anthony, je vois qu’il est toujours en train de manger. Je pars devant en lui disant que je fais quelques fentes le temps qu’il me rejoigne.
Nous revoilà sur la partie rocheuse avant de rejoindre à ce que je compare à un mini Etretat. La pointe de Dinan, nous ne pouvons qu’être humble face à la beauté sauvage des décors. J’ai une pensée pour Ivan, car il y a quelques mois nous y étions avec une team de traileur en train de crapahuter sur les rochers. Anthony s’arrête de temps et prend quelques photos de l’endroit. Nous continuons à avancer mais nous sommes de plus en plus dans le dur. A plusieurs reprises, sur les parties ascendantes je n’arrive plus à courir ni à marcher rapidement. Anthony, qui est devant moi, adapte son rythme au mien. Je sens sous mes pieds que les fissures se sont transformées en ampoules et que malheureusement elles ont éclaté. La douleur prend une nouvelle dimension, la suite de l’aventure promet d’être sympathique. Le soleil commence à percer les nuages, il est temps d’arriver et de retirer mon t-shirt manches longues. Nous arrivons sur la partie basse qui entoure Rostudel. Le sémaphore n’est plus très loin et pourtant la route parait interminable. Les montées et descentes se succèdent et n’en finissent plus. Nous croisons de plus en plus de randonneurs qui se décalent et nous saluent à notre passage. Enfin le sémaphore est bien visible, nous arrivons au cap de la Chèvre.
Cap de la Chèvre : 14h00 – KM 138
Mon assistante de choc est là, tout est prêt. Laura, Greg, ainsi qu’une collègue d’Anthony sont également présent. Les bénévoles qui sont également de la partie nous félicitent. Sandra à fait spécialement le déplacement pour m’accompagner jusqu’à la fin. Je me pose et discute avec tout ce petit monde. Je suis relativement en forme et j’essaye de plaisanter. Cette petite pause me regonfle à bloc, mais pas question de rester trop longtemps à ne pas bouger. Je connais bien le passage jusqu’à Morgat et les montagnes russes qui nous attendent jusqu’à Telgruc. Anthony est parti se faire masser les cuisses, je m’excuse de ne pas respecter l’arrangement de finir ensemble mais je suis persuadé qu’il est capable de me rattraper.
Nous voilà sur une très belle section du sentier de Crozon. Les passages en sous-bois avec la mer turquoise en contrebas offrent des paysages paradisiaques. Nous passons à proximité de l’île vierge que je regarde à peine faute de concentration forte sur la recherche de mes appuis. Je n’avance pas très vite et m’excuse auprès de Sandra. Elle saura me rassurer en connaissance des choses. Il était évident que je n’aurais pas une allure de folie et malgré ça cela ne la dérange absolument pas. Merci pour cette tolérance et cette sortie qui ne sera pas un rythme habituel. Ce qui est sympa avec Sandra, c’est que nous parlons de tout et que cela m’aide à me déconnecter de la difficulté. Les kilomètres passent bien, la première heure avance rapidement.
De temps en temps, je suis rappelé à la dure réalité du terrain lorsque je dois franchir les quelques mini ascensions ou quand je viens percuter les pierres avec mes pieds. Je sens bien la fatigue musculaire et que mes capacités ne suivent plus. Je respire fort, mon cœur ne monte plus dans les tours, chaque propulsion s’apparente à un gros effort. Chaque impact vient détruire progressivement mes doigts de pieds. A moi les ongles noirs pour les prochains mois.
Il commence à faire de plus en plus chaud, je vide très vite mes flasques. Je demande à Sandra si Aurélie sera présente à Morgat histoire de boire un petit coca ou une bouteille de Rozanna. Sandra pense que oui mais préfère l’appeler et le lui demander. Finalement non, Aurélie est partie directement à l’arrivée où elle nous attend. Nous devons redescendre sur le chemin qui rejoint le fort de Kador avant de rejoindre enfin le quai du port de Morgat.
Cela fait 22h que je suis en course, je me réhydrate abondement et refais le plein en eau. La chaleur va me cuire, il va falloir gérer cette difficulté supplémentaire. Nous voilà sur la plage au milieu des promeneurs et des baigneurs. Je vise systématiquement des bâtiments que je vois au loin afin de découper en section acceptable et réalisable. Premier bâtiment la résidence Pierre et Vacances Cap Morgat, à notre passage nous sommes encouragés par deux personnes du personnel qui y travaillent. Petit détour pour la rigolade dans la côte qui longe la plage du Porzic. C’est à ce moment que j’annonce à Sandra que je pense qu’il s’agit de mon dernier ultra. Elle ne rigole pas mais me dit qu’on en reparlera un de ces jours. La succession de montées et de descentes est un véritable enfer. Je suis une vraie tortue, je regarde le reste à faire toutes les 5 minutes sur ma montre. La progression est désolante, Sandra me conseille de ne plus regarder et de penser à des trucs qui me motivent. Elle me rappelle que nous sommes sur la fin, et qu’il faut continuer. Elle me prend régulièrement en photo, c’est chouette j’aurais des souvenirs de ma tête et surtout de quoi montrer de quoi je vous parle.
Elle relance dès que le terrain le permet, je tente de la suivre mais je n’y arrive plus. Au passage à côté de la plage de Postolonnec, je lui demande un petit arrêt technique et de profiter de l’eau accessible à côté des WC pour me rafraîchir la tête. Retour sur le sentier avec une belle patate en plein soleil. Nous passons à côté des bâtiments du centre de vacances IGESA. Sandra m’en avait parlé quand nous étions à Morgat. On voyait ces bâtiments au loin, trop loin et maintenant, ils sont juste à côté. « Allez ! bing ça, c’est fait ! Petit passage sur la route juste à côté de la plage de l’Aber. Greg est sur le parking, il nous encourage et me dit que la bière n’est plus très loin. Je mime que je me verse un calice de bière sur la tête comme le fait le traileur la « Casquette vert ».
Passage par la Raguenez ! Ouf ! Nous n’allons pas jusqu’à la pointe de l’île de l’Aber.
Malheureusement la pointe de Tréboul ne laisse pas franchir sans quelques passages bien verticaux. Punaise ! il faut chercher bien au fond de soi. Un pas après l’autre et on avance ! Haaaaa ! Sandra j’en peu plus !! Je suis désolé !!
Je ne résiste pas à l’envie de regarder où je suis rendu. « 160 Km ! Allez Nico ! On finit !» Le passage avant la plage de Trez Bihan fait partie des sentiers à voir absolument. C’est un passage en hauteur avec des falaises qui tombent à pic.
Le vol des oiseaux qui profitent des courants d’air chaud et la hauteur de la falaise donnent le vertige. Je me traîne jusqu’ à Pen Ar Vir, et enfin je revois la plage juste après le départ. La fin n’a jamais été aussi proche. Nous rattrapons pour la première fois des traileurs. Depuis que nous sommes partis, nous n’avons été dépassés que par un seul trailer. Je suis à sec et demande un arrêt encore une fois aux toilettes publiques. « 163 Kms plus que 3 ! » Un bénévole en vélo est là et nous accompagne, ils nous expliquent les origines de la course, qu’il y aura une prochaine édition. Bref nous parlons mais je sens que je n’arrive plus à relancer. Habituellement j’arrive à courir sur les derniers kilomètres, sauf qu’à l’inverse des ultras en montagne ici on monte pour rejoindre le départ. Sandra tente de me faire courir, je n’y arrive plus. Il y aura ce semblant de plat où je jogge quelques mètres. Telgruc sur Mer n’est plus très loin. Le bénévole me dit que les traileurs qui ont fini ont couru sur les derniers 50 mètres. Pas question de ne faire que 50 mètres, je relance la machine et cours maintenant sur la dernière ligne droite. Je suis au milieu de la route, les voitures se poussent et me laissent passer. J’arrive sous l’arche, sonne la cloche et souffle un grand coup. C’est fini ! Je me permets d’aller d’abord vers Sandra pour la remercier avant de rejoindre Aurélie et l’embrasser.
16 septembre 2023
Telgruc sur Mer : 18h45 – KM 166
FINISH !
Finisher en 25 heures 46 minutes et 21 secondes pour 3876 m de dénivelé positif.
Je prendrais la 15 -ème place sur 53 Finishers pour 121 sur le circuit Solo
Il n’y avait que moi qui n’y croyait plus.
Avec ma pacer Sandra 👇
Gros merci !
Une bonne tête de vainqueur !👇😅
La team de choc ! 👇
MOI en train de réaliser ce que je rêvais : « boire un calice de bière ! »
Suivi d’un cidre et d’une crêpe !
Bienvenue sur le dénivelé BRETON
RECONNAISSANCE Et remerciements
Je suis reconnaissant auprès d’Aurélie qui a su me soutenir et m’accompagner.
Je suis reconnaissant auprès de Sandra qui a su m’accompagner, s’adapter à mon rythme, trouver les mots et me faire avancer.
Je tiens à remercier Anthony et Greg pour leur présence et les moments partagés.
Merci également à Laura qui a été présente sur plusieurs points de la course et qui a su me donner le sourire quand elle me disait que j’avais une encore une bonne tête dans les moments difficiles.
Je suis reconnaissant auprès de François, l’organisateur de cette incroyable épreuve. J’ai retrouvé tout ce qui pour moi est important dans l’ultra. Une épreuve avec son lot de difficultés, un vaste terrain de jeu avec des environnements très variés, une organisation à taille humaine et surtout des bénévoles aux tops ! Sans eux, rien ne serait possible pour nous également simple traileur. Merci de ne pas m’avoir pris comme un simple numéro. Je vous souhaite de très belles prochaines éditions.
KENAVO !
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